❝ Pour le voyageur qui arrive par la mer, Lisbonne, même de loin, s’élève comme une ravissante vision de rêve, et se découpe clairement contre le bleu vif du ciel que le soleil réchauffe de son or. Les dômes, les monuments, les vieux châteaux font saillie au-dessus du fouillis de maisons et semblent être de lointains hérauts de ce séjour délicieux, de cette région bénie. ❞
[Fernando Pessoa, "Lisbonne", 1925]
❝ Lisbonne est jolie. Il n’est pas encore né, l’insensible qui […] n’écarquillerait pas les yeux de surprise devant la beauté d’un panorama que la nature ne peut se vanter d’avoir reproduit. [...] De chaque colline où l'on vient se pencher c'est un ravissement sans limites qui embrasse le ciel et la terre en une même émotion reconnaissante. ❞
[Miguel Torga, "Portugal", 1950]
Lisbonne conserve le naïf orgueil d’avoir inspiré les écrivains. C'est un fait que la ville se prête admirablement à la poésie et à la littérature. Soit dit en passant, la lecture d'ouvrages intéressants liés à la culture portugaise est la meilleure préparation au voyage qui soit : une mise en bouche qui s'avérera sur place bien plus précieuse et féconde que d'éplucher des guides papier ou de planifier son voyage dans les moindres détails. Pour davantage de conseils littéraires, ne pas hésiter à nous contacter (même sans réservation de visite, nous nous ferons un plaisir de vous renseigner).
Immense génie de la littérature européenne du 20e siècle, écrivain enraciné (sa patrie était « la langue portugaise »), auteur d’une œuvre profondément atypique, protéiforme et complexe, son chef d’œuvre est le Livre de l’Intranquillité, ouvrage inclassable publié près de 50 ans après sa mort (découvert dans la légendaire malle où il entassait ses manuscrits). Sous-titré "autobiographie sans événements", il s’agit d’un texte insaisissable dont il est difficile de parler : récit du désenchantement du monde, contemplation mélancolique et envoûtante, réflexion obsédante sur l'étroitesse de la vie, introspection douloureuse oscillant entre rêve et irréalité, tout cela à la fois. En clair, il faut lire (puis relire) cette somme inépuisable et déstabilisante, d’une intensité, d’une beauté, et d’une poésie rarement entrevues. L’ouvrage vaut également pour ses évocations des paysages urbains et sonores de la capitale, ce qui fit dire au littérateur Robert Bréchon qu’on peut le lire comme le roman géo-poétique de Lisbonne. C’est un fait que Pessoa entretint une relation singulière avec sa ville, qu’il ne quitta jamais de son adolescence à sa mort.
Sur place, faire attention à tous les bars se réclamant de Fernando Pessoa. Victime de son alcoolisme, les cafés étaient pour lui des lieux de prédilection, donc pas uniquement celui du Chiado où se trouve sa statue.
Décédé en 2010, il reste le seul écrivain lusophone à avoir reçu le prix Nobel de littérature. Son style est très caractéristique, prenant de larges libertés avec la ponctuation, ce dont résulte une prose compacte et luxuriante pouvant rebuter à première lecture : il faut s’accrocher et se laisser entrainer par le rythme, au risque de ne plus pouvoir s’arrêter. L’autre intérêt de son œuvre est d’avoir régulièrement revisité des événements historiques officiels (chacun de ses livres est conçu autour d’un mythe original), les appréhendant sous un aspect plus humain, concret et quotidien. L’on peut au minimum recommander la lecture de sa brillante Histoire du siège de Lisbonne, où s’entrelacent romance et fait historique, et l’Evangile selon Jésus Christ, reconstitution biblique pour le moins étonnante.
Voltaire n’était pas lusophone et jamais ne mit les pieds au Portugal. Il s’y rendit toutefois célèbre en publiant en 1756, un an après la catastrophe, son fameux Poème sur le désastre de Lisbonne , dont certains vers sont brillants :
❝ [...] Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices :
Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris [...] ❝
Il évoquera encore l’événement dans Candide (chapitre 5) :
❝ À peine ont-ils mis le pied dans la ville en pleurant la mort de leur bienfaiteur, qu'ils sentent la terre trembler sous leurs pas ; la mer s'élève en bouillonnant dans le port, et brise les vaisseaux qui sont à l'ancre. Des tourbillons de flammes et de cendres couvrent les rues et les places publiques ; les maisons s'écroulent, les toits sont renversés sur les fondements, et les fondements se dispersent ; trente mille habitants de tout âge et de tout sexe sont écrasés sous des ruines [...] ❝
Ses écrits émus furent avant tout l’occasion de soulever une violente controverse intellectuelle sur l’Optimisme , à laquelle participera notamment Rousseau.
Pour une sélection d’ouvrages complète et en français sur l’histoire et la culture portugaises, les parisiens auront la chance de pouvoir faire un saut à la magnifique librairie portugaise et brésilienne de M. Chandeigne .
A Lisbonne, nous recommandons entre autres la librairie Férin , l’une des plus vieilles institutions littéraires de la capitale, proposant un large choix d’ouvrages de qualité (livres d'art et d'histoire, biographies, romans), en français et en portugais. La prestigieuse boutique eut pour clients les grandes personnalités de la vie littéraire portugaise, et reste fréquentée par les écrivains, intellectuels, philosophes. Elle doit sa création initiale à une famille belge venue s’installer dans le sillage des guerres napoléoniennes du début 19e siècle. A ses débuts, la maison Férin fut même pendant quelques temps le relieur attitré de la famille royale.